Bonjour,
Je connais le site depuis quelques années. Je ne me suis enregistré que depuis peu. J'ai longtemps eu du mal à lire les différents témoignages.
Je vais essayer de ne pas trop virer dans le mélo... Si tel n'est pas le cas merci de m'en excuser et de ne pas m'en tenir rigueur.
Vous voilà prévenu !
J'ai eu 32 ans cette année. On m'a diagnostiqué un KC bilatéral évolutif en 1996.
L'opthalmo qui me suivait à l'époque m'avait fait faire une topographie. Il avait appelé en renfort ses 4 collègues du cabinet pour examiner les résultats. A ma question est ce grave ? L'un d'eux m'a tranquillement confirmé que non mais « qu'au pire il faudrait me greffer la cornée d'un macchabée ». Ça, ça marque. Et ça refroidit un peu. Il m'a prescrit des lentilles en se présentant comme un spécialiste (mais je n'aurai pas plus d'explications). Ça rassure. Je lui ai fait confiance. Pendant des années.
Pourtant ma vision baisse, j'ai mal aux yeux, mes lentilles me gênent, des tâches apparaissent dans le champs de vision, j'ai des migraines... A chaque rendez vous, j'en ressort de plus en plus frustré, je sens bien que quelque chose cloche. J'ai l'impression de ne pas faire comprendre par mon ophtalmo. Mais c'est un spécialiste. Son cabinet est dans une clinique réputée. S'il me dit que tout va bien c'est que c'est vrai ? Non ? Et peut être que je suis trop douillet...
Le temps passe, je fais mes études, passe mes examens, connais des joies et des peines... Bref je fais ma petite vie.
Août 2005. Les douleurs deviennent intolérables. J'ai beau serrer les dents rien n'y fait. Rendez vous est prit. Comme d'habitude tout va bien. L’œil est irrité et je repars avec le conseil de ne pas porter mes lentilles pendant 3-4 jours. Et une ordonnance de vitamine. Bon.
Les douleurs s'intensifient. 2nd rendez vous. Même constat avec en prime : « Portez donc vos lunettes quelques jours ». Euh là, le doute s'installe sérieusement. Ça fait des années que je ne peux plus en porter.
Mi septembre : Je décide d'avoir un autre avis (enfin!!). Sur de vagues conseils de proches et avec les pages jaunes je choisi une opthalmo (Pour info elle est référencée sur la carte du site). J'appelle et explique que j'ai un kc et que j'ai mal aux yeux. J'ai un rdv dans la journée entre 2 rdv.
Elle me reçoit, m'examine, blêmit et me fait passer une topo.
Là je les ai eu mes explications.
J'ai un KC aigu sur l’œil droit. Le gauche n'est guère mieux loti. Les taches noires sur mon champs de vision sont du tissu cicatriciel dut à des lentilles inadaptées. Elle m'apprend des tas de chose : il existe des lentilles spécifique pour les kc qui est une maladie génétique orpheline, que suite à une lentille cassée directement dans un œil on doit avoir des soins, les lentilles se déprotéinisent toutes les semaines, on ne garde pas le même étui à lentille...
Bref j'ai pris un immeuble sur la figure. Elle me donne des pommades, des collyres, la totale. Interdiction de remettre les lentilles. Elle me fixe un nouveau rdv 15 jours plus tard.
Pas d’amélioration. Elle m'explique en quoi consiste exactement une greffe. Elle prend elle même rdv avec le chirurgien. Je commence à méchamment m'angoisser !
4 octobre : Je rencontre le chirurgien. Qui confirme ça urge !! Il m'explique qu'il ne peut opérer les 2 yeux en même temps, ça représente trop de risque. Et il y a un faible espoir de pouvoir stabiliser l’œil gauche. L'intervention sur l’œil droit est programmée.
Je panique. Peur de l'opération, peur d'être borgne, terreur de la cécité.
Comme d'habitude quant ça va mal je me coupe de l'extérieur et je n'en parle pas.
Au tour de moi,quasiment personne n'est au courant à l’exception de mes parents, de mon frère et de ma sœur.
Je n'ai rien dit à ma compagne.
27 octobre : je suis malade de trouille. Je rompt avec celle qui partagé ma vie. Sans explications.
28 octobre : je suis sur le billard.
Le réveil est monstrueux. Il paraît que dans certains cas c'est sans douleur. J'ai le droit à 5 jours de morphine. J'aurai aimé un peu plu. Le chirurgien m'explique qu'il n'a pu réaliser la lamellaire, la membrane de descemet s'est rompu. Il a donc réaliser une transfixante.
Cahin-caha les jours, semaines, mois passent. Je suis chez mes parents
Avec la peur du rejet, les petits aléas et grosses frayeurs (petites peluches prises dans les surjets par exemple) et la douleur qui s'accroche longtemps. L’œil gauche n'est toujours pas stabilisé. Du coup je ne vois rien au delà du bout de mon nez. (D'aucun dirons que je suis bien nez et que je peux fumer sous la douche mais quand même !). Je n'enfonce lentement dans une grosse dépression. Je me lève le plus tard possible en attendant le soir pour se coucher, j'écoute la télé, je rumine.
Je suis au fond du trou et je gratte avec les ongles pour voir si je ne peux pas descendre plus bas. De vilaines idées me viennent....
Ma famille m'entoure. Et ça m'a sauvé. Mes parents. Les pauvres... Ils culpabilisent...Même encore aujourd'hui. Comme s'ils y étaient pour quelque chose. Ma mère avait même proposé de donner sa cornée au chirurgien.
Mai-Juin 2006 : Renaissance. L’œil gauche se stabilise enfin. On teste un batterie de lentille. Et miracle on en trouve une qui va bien (rose k2) ! Le jour où je suis ressorti de son cabinet en y voyant d'un œil j'ai pleuré comme une madeleine sur le parking : je voyais les arbres à 10 mètres.
J'ai recommencé à vivre petit à petit. Sur un œil mais c'était un début.
Le premier surjet a été retiré. Puis le second quasiment au bout d'un an ½ après l'opération.
Je suis équipé d'un piggy back sur l’œil droit avec 7/10.
Depuis peu je porte également un piggy back sur l’œil gauche avec 6/10. Mais aucune intervention n'est à prévoir pour l'instant.
J'ai accepté mon kc, la greffe et tout ce qui en découle. J'ai renoncé à pas mal de chose mais j'ai réussi à trouver un travail (avec des adaptations de postes) qui me plaît et à me reconstruire une petite vie. Évidemment je suis toujours un peu (euphémisme!) angoissé et parano concernant mes yeux.
Mais je sais désormais je qui m'attend et je m'y prépare.
Merci à la personne qui a fait don de sa cornée. Je ne saurai jamais qui tu es mais merci à toi.
Si vous êtes arrivé jusque là, vous êtes courageux(se) mais merci d'avoir tout lu.
J’espère que vous ne porterez pas de jugement trop dur à mon encontre. Mais des fois ça fait du bien de vider son sac !