Avertissement : Comme tout les prélèvements d’organes destinés a être greffé, celui de la cornée obéit à des règles strictes. Vous trouverez dans cet article un résumé de la législation française. Pour plus de précisions vous pouvez aussi consulter les textes de Lois sur le site du JO ainsi que les informations sur le site.
Vincent
Sources : Faculté de Médecine / Université Paris 5 / Paris 2002
Sommaire :
Introduction
1 - Aspects législatifs
2 - Sélection des donneurs
3 - Prélèvements thérapeutiques des cornées par excision in situ
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Introduction
Avec les lois de bioéthiques du 29 juillet 1994 et décrets subséquents, la France s’est dotée d’une législation très précise en matière de greffe de la cornée imposant un cadre très rigoureux ayant pour objectifs majeurs le respect de la personne décédée, la transparence de cette activité et une sécurité sanitaire avec traçabilité des prélèvements.
1 - Aspects législatifs
Ce sont ceux de tous les prélèvements d’organes et de tissus avec quelques particularités propres aux prélèvements de cornée :
A - Établissements autorisés
Le décret 97-306 du 1er avril 1997 définit les conditions des établissements de santé effectuant des prélèvements d’organes et de tissus à des fins thérapeutiques. Pour la cornée, ce sont les articles R. 672-7 à R. 672-11 qui s’appliquent. Sous réserve de remplir des conditions techniques, sanitaires et médicales, cette autorisation est délivrée pour 5 ans par le Directeur de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation, après avis du Directeur Général de l’Etablissement Français des Greffes.
L’établissement de santé doit justifier d’une organisation et de conditions de fonctionnement permettant d’exécuter dans de bonnes conditions les modalités du prélèvement. Il faut en outre un médecin coordinateur des activités de prélèvement aidé par un ou des coordinateurs infirmièr(e)s.
Les locaux mis à disposition doivent permettre d’exécuter ces prélèvements dans de bonnes conditions. L’accueil des familles doit se faire dans un local adapté. Des moyens matériels doivent être alloués pour effectuer une restauration décente du corps.
B - Le médecin préleveur
Le prélèvement est effectué par un médecin préleveur qui engage sa responsabilité et qui doit être accessible en service normal et hors service normal. Il devra :
- vérifier la réalisation réglementaire du constat de mort ; le médecin préleveur ne peut appartenir à l’unité fonctionnelle ayant effectué le constat de mort (art. L.671-10) ;
- vérifier le dossier médical du donneur ;
- veiller au respect du cadre légal et réglementaire du prélèvement ;
- effectuer un prélèvement de sang pour rechercher les marqueurs biologiques des maladies infectieuses transmissibles suivantes : VIH 1 & 2, HTLV 1, virus de l’hépatite B, virus de l’hépatite C et la syphilis (décret n°97-928 du 9 octobre 1997). Il est recommandé de conserver un tube de sang dans une sérothèque ;
- effectuer le prélèvement selon les règles d’une asepsie chirurgicale ;
- veiller à ce que la restauration tégumentaire soit respectée ;
- remplir une fiche médicale du donneur ;
- veiller à la conformité du conditionnement du greffon et à sa transmission au centre de conservation autorisé,
- réaliser le prélèvement dans les meilleurs délais avant la 6ème heure. Le délai moyen de prélèvement post-mortem se situe entre la 11ème et la 12ème heure. Cependant, un prélèvement peut être réalisé jusqu’à la 20ème heure si le corps a été placé rapidement après le décès en chambre froide à +4°C.
C - Dispositions légales particulières à la greffe de cornée
L’équipe de greffe de la cornée n’est pas soumise à autorisation et tout établissement de santé peut en fonction des compétences matérielles et humaines requises, exercer une activité de greffe de cornée. Elle doit cependant respecter la réglementation en vigueur avec l’inscription des patients sur la liste nationale d’attente, application des mesures de sécurité microbiologique et de traçabilité.
Le patient en attente d’une greffe de cornée est directement concerné par les textes législatifs : l’article L.673-8 du Code de Santé Publique précise que «seules peuvent bénéficier d’une greffe…..de cornée ……les personnes, quelque soit leur lieu de résidence, qui sont inscrites sur une liste nationale en cours d’élaboration ». L’EGF est chargé de l’enregistrement, de l’inscription des patients sur la liste d’attente.
2 - Sélection des donneurs
Le succès de la greffe de cornée humaine a été démontré depuis la première opération réalisée par Zirm en 1906. Les techniques chirurgicales ont largement bénéficié de l’introduction du microscope opératoire ; l’utilisation de stéroïdes et plus récemment de collyres à la cyclosporine a permis de réduire le nombre de rejet immunitaire et de traiter les réactions de rejet. La qualité du greffon cornéen doit être le souci constant et n’a cessé de s’améliorer. La sélection du donneur est faite pour plusieurs raisons :
- la première est celle de protéger le receveur contre une éventuelle transmission d’une maladie infectieuse. Ce sont principalement les infections d’origine virale telles que les hépatites, VIH, Herpès, rage.
- une autre raison d’effectuer une sélection des donneurs est de prévenir une éventuelle transmission par une maladie d’origine inconnue ou par les prions comme le Creutzfeldt-Jakob.
1. Sélection des donneurs selon l’Association Européenne des Banques d’Yeux
La sélection des donneurs est un temps très important dans la collecte de greffons cornéens. Nous suivons les recommandations émises à Leiden, janvier 1990 émanant de l’Association Européenne des Banques d’Yeux (European Eye Bank Association, EEBA, 9th Edition, 2001).
a) Les contre-indications locales
Les affections oculaires contre-indiquent naturellement le prélèvement. Elles sont indispensables à écarter avant d’engager les démarches administratives :
- dystrophies ou maladies cornéennes (kératocône, kératoglobus ou pterygium envahissant l’aire centrale optique),
- preuves d’une action chirurgicale sur le segment antérieur (kératotomie radiaire, kératomileusis, rotation de cornée, épikératoplastie, trabéculectomie, cataracte, autokératoplastie),
- signes d’uvéite ou de conjonctivite,
- tumeurs du segment antérieur,
- rétinoblastome.
A cette liste, nous rajoutons le mélanome choroïdien : lorsqu’il est en position antérieure, un envahissement du trabéculum par la chambre antérieure est possible avec accolement à l’endothélium de mélanocytes tumoraux.
Par contre, l’arc sénile ou gérontoxon n’est pas une contre-indication au prélèvement.
b) Pathologies pour lesquelles la manipulation des tissus est dangereuse
- Hépatite virale aiguë
- SIDA ou VIH positif
- Encéphalite virale aiguë ou encéphalite d’étiologie inconnue
- Maladie de Creutzfeldt-Jakob
- Rage
- Herpès
c) Pathologies pour lesquelles le risque de transmission du donneur au receveur est connu ou suspecté
- Décès d’une pathologie du système nerveux central dont l’étiopathogénie est inconnue ou mal connue (sclérose en plaque, sclérose latérale amyotrophique, maladie d’Alzheimer)
- Maladie de Creutzfeldt-Jakob
- Encéphalite sclérosante subaiguë
- Rubéole congénitale
- Syndrome de Reye
- Patient décédé d’une septicémie, lorsque la cornée est conservée à +4°C.
- Hépatite virale aiguë
- Rage
- Leucémie aiguë
- Lymphome disséminé aigu
- SIDA
- Donneur à haut risque de contamination par le virus VIH homosexuel, bisexuel, connu ou suspecté, prostituée, hémophile, enfant de mère contaminée, antécédents de contacts sexuels avec un groupe à haut risque, syphilitique, utilisation connue ou suspectée, passée ou présente de drogues intraveineuses.
- Sérologie HIV positif
- Sérologie hépatite B positive
- Sérologie hépatite C positive [Le médecin responsable de l’intervention est tenu de prendre connaissance des résultats de la détection des marqueurs biologiques de l’hépatite C (décret n°92-174 du 25/02/92)].
- Donneurs traités par l’hormone de croissance (pit HGH) pendant les années 1963 à 1985.
- Jaunisse d’étiologie inconnue
- Réanimation respiratoire prolongée
d) Pathologies pour lesquelles les contre-indications sont relatives
- Maladie de Parkinson
- Immuno-supression chronique
- [Sérologie syphilis positive]
- Cachexie
- Anorexie
- Antécédent de chirurgie oculaire
- Patients qui sont décédés de septicémie, lorsque les cornées sont conservées à +31°C
2. Remarques
a) transmission par la greffe de cornée d’un SIDA
La sérologie HIV1 et 2 de chaque donneur est obligatoire et pratiquée en France selon deux tests différents, soit deux tests ELISA (enzyme-linked immuno sorbent assay) soit un test ELISA et un test unitaire rapide. La sensibilité de ces tests s’avère très bonne puisqu’ils permettent de détecter des titres très faibles d’anticorps correspondant à un début de séroconversion. Cependant, leur spécificité de l’ordre de 0,1% à 0,3% impose l’utilisation de tests de confirmation pour affirmer un diagnostic positif. A ce jour, aucun cas de transmission d’un SIDA par greffe de cornée n’a été rapporté.
b) transmission par la greffe de cornée d’une maladie de Creutzfeldt-Jakob
A ce jour, trois cas dont deux hautement probable de transmission de maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) par greffe de cornée ont été rapportés. Une encéphalopathie spongiforme a pu être détectée dans les lobes frontal et occipital et dans la substance grise de l’insula et du noyau caudé par l’autopsie pratiquée chez un des donneurs.
Selon l’art. R. 665-80-2 du décret n°97-928 du 9 octobre 1997, «aucun prélèvement ne peut être réalisé sur une personne si des critères cliniques ou des antécédents révèlent un risque potentiel de transmission par celle-ci de la maladie de Creutzfeld-Jakob ou d’autre encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles».
3 - Prélèvements thérapeutiques des cornées par excision in situ
La technique de prélèvement de cornée in situ encore appelé excision in situ de la cornée permet d’obtenir dans des conditions optimales de sécurité sanitaire, une cornée du donneur avec sa collerette sclérale (Brightbill, 1986). Elle permet sa mise en conservation immédiate. Le globe oculaire n’étant pas enlevé, elle permet de respecter une restitution anatomique ad integrum, ce
qui est un gage d’une meilleure acceptation par les familles des donneurs.
Il faut souligner que le prélèvement in situ des cornées est la seule méthode autorisée au dépositoire. Par contre, l’énucléation du globe oculaire reste possible dans le cadre d’un prélèvement multi-organe et elle ne peut s’effectuer qu’au bloc des urgences.
Avant de procéder au prélèvement, le médecin préleveur doit procéder à un certain nombre de vérifications légales qui ont été rappelées dans le paragraphe «Le médecin préleveur».
Il doit en outre s’assurer que le corps présenté soit celui du donneur. Il doit vérifier à l’aide d’une lampe stylo l’état des cornées du donneur et effectuer une inspection générale du corps du donneur. Il doit prendre connaissance du dossier médical du donneur.
Il doit effectuer un prélèvement de sang en post-mortem par voie sous-clavière en vue des sérologies virales (geste qui n’est pas toujours de réalisation facile).
Il doit vérifier la conformité des formulaires d’autorisation : local et celui transmis par l’E.F.G. concernant la non-opposition de ce sujet au prélèvement (registre national informatisé des refus).
Il doit s’assurer que les dates de péremption concernant la stérilité du matériel utilisé ne sont pas dépassés.
La mise en décongélation des milieux de conservation à +31°C au bain marie doit être effectuée environ une demi-heure avant le prélèvement.
Le prélèvement se fait dans un local propre dans des conditions chirurgicales. Il est assuré par le médecin préleveur aidé d’une infirmière de la coordination hospitalière.
La restauration tégumentaire est assurée par le recouvrement de l’œil par une prothèse en plastique hémisphérique creuse et transparente que l’on peut retailler aux dimensions voulues à l’aide d’une paire de ciseaux. Cette prothèse est munie d’aspérités ce qui permet une bonne adhérence aux paupières. Le galbe de l’œil est ainsi respecté. Elle permet de restituer en cas d’ouverture des paupières l’aspect du segment antérieur avec respect de la couleur de l’iris.
Les avantages de cette technique de prélèvement in situ de la cornée sont la fiabilité, la rapidité et la simplicité d’exécution, mais elle demande de la minutie pour éviter tout contact au niveau de l’endothélium cornéen dont la vitalité est essentielle pour la réussite de la greffe. Elle évite une énucléation porteuse de préjugés psychologiques qui n’ont pas la faveur des familles et elle autorise une meilleure restauration anatomique puisque l’iris reste en place. Elle supprime le délai entre l’énucléation et la mise en conservation évitant toute manipulation supplémentaire avec un risque toujours possible de contamination. Elle permet de faire une économie de temps de travail et elle diminue notablement le coût global. Par contre, la décontamination qui est un temps important et incontournable est mieux assurée dans la technique de l’énucléation.
Au total, la technique d’excision in situ de la cornée est la technique de choix, car elle contribue à avoir un accueil favorable non seulement de la part des équipes de prélèvement mais surtout de la part des familles qui acceptent plus facilement le don de cornée que le don d’yeux.