En parcourant le lien de l'association Keros donné par Vincent dans le sujet « Syndrome Sec et sécheresses oculaires », je suis tombée sur cet EXCELLENT article qui résume, d’une manière magistrale et juste, certaines difficultés que bon nombre d’entre nous vivons au quotidien.
A lire absolument!

Anne
Des Handicaps Invisibles...
Cela est a priori un avantage: visuellement il est parfois impossible de "voir" qu'une personne souffre d'un handicap visuel ou physique (du fait de la maladie et/ou des souffrances physiques qu'elle provoque). Alors que l'on constate vite un handicap d'une personne sur une chaise roulante, portant une prothèse visible ou même aveugle, la malvoyance ou la douleur constante oculaire ne se perçoit pas aisément. Ainsi, la discrimination au premier regard n'a pas lieu sauf quand les atteintes deviennent plus perceptibles...
Cela comporte tout de même un revers important: Il est parfois difficile de faire comprendre aux autres que l'apparence "normale en quelque sorte" que peuvent présenter les personnes atteintes des pathologies oculaires dont nous avons traité auparavant, est très trompeuse. Cette absence de perception de la maladie est souvent source d'incompréhension parfois même de la part des personnes les plus proches. C'est le lot d'ailleurs de toutes les maladies chroniques qui ne sont pas perceptibles par les autres (le handicap visuel, la douleur et la souffrance psychologique ne sont perçus que par leur porteur). C'est particulièrement vrai dans un monde aux interprétations binaires (voyant vs. aveugle, alors que la malvoyance existe à divers degrés; douleur constatable par les praticiens vs. somatisation, alors que la douleur est un handicap en soi mais qui n'est appréciable que subjectivement... or le malade n'est pas coupable de cet état de fait). La plupart de pathologies abordées concernent justement des cas qui combinent un déficit visuel a des douleurs bien physiques, sans exclure toutefois la douleur morale.
Cela revient très souvent à un "renversement de la charge de la preuve" pour utiliser une analogie juridique. Ainsi, la personne souffrante doit souvent se justifier du fait de s'être mis à l'écart, des limiter ses activités, d'éviter certains lieux et situations susceptibles d'aggraver son état. Un exemple fréquent: la fumée de cigarette dans le milieu social du malade (mais cela pourrait tout aussi bien être le chauffage ou la climatisation). Même un proche qui fume prend souvent comme une agression le fait qu'on lui demande d'arrêter de fumer en présence d'une personne atteinte d'une affection oculaire. Cela est d'autant plus difficile dans les situations courantes de la vie avec des personnes que l'on ne connaît pas; par exemple au travail, voire au restaurant ou dans les transports. C'est encore vrai dans le milieu professionnel ou simplement à l'intérieur de bâtiments où le seul fait de porter des lunettes de soleil sera plutôt interprété comme une provocation "à l'aspect touriste ou de star" alors que c'est le seul moyen de limiter la photophobie pour beaucoup d'entre nous.
Même dans le milieu médical ou face aux ophtalmologistes voire les services sociaux, cela peut s'avérer compliqué de faire état de la douleur ou de la portée réelle de l'handicap. Cela s'explique assez aisément sachant que ni la douleur ni la photophobie sont objectivement mesurables par les praticiens. C'est particulièrement vrai dans une société qui commence à peine à s'intéresser à la prise en charge de la douleur et où les théories minorant celles-ci abondent (ou tout est psychologique, psychosomatique, etc). Force est de constater que la médecine est souvent revenue sur ces appréciations subjectives des souffrances des autres... tous ayant souffert de névralgies, de douleurs fantômes, en savent quelque chose. Pour ceux qui souffrent de ce type de pathologie oculaire, il est difficilement compréhensible que la douleur chronique oculaire, ainsi que la fatigue qu'elle induit, les traitements lourds et constants qu'elle impose, ne soit pas mieux reconnus alors que les yeux sont impliqués dans 80% de nos activités quotidiennes.
Tout cela montre le défi auquel nous sommes confrontés pour faire reconnaître un handicap qui n'est pas facilement perceptible par les autres de la façon usuelle. Cela n'est pourtant pas totalement impossible. Ainsi, Keratos souhaite faire connaître du grand public, des organismes sociaux et de la communauté médicale, ces situations mixtes de malvoyance et de douleur, et faire adopter de mesures permettant une meilleure prise en charge (ex: études sur la qualité de vie, adapter le barème de la COTOREP, la prise en charge par la SECU, inciter à la recherche hors des sentiers battus du palliatif et de la cosmétique/confort). L'absence de prise en compte d'une grande part des nos symptômes par le guide barème de la COTOREP est l'exemple paradigmatique des difficultés de compréhension auxquelles nous sommes confrontés.
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