Etant depuis un certain temps « bombardé » de MP, courriels et coups de téléphone sur le sujet, voici quelques précisions sur les ectasies post-LASIK.
Ce document est simplement informatif et ne constitue, en aucun cas, un avis médical. Il sera modifié, si necessaire, dans le temps. J’ai utilisé les documents mis à la disposition par notre Comité Scientifique et principalement celui du Pr Joseph COLIN.
Les ectasies cornéennes post-LASIK constituent une complication sévère, mais rare, de la chirurgie réfractive moderne.
Certains facteurs de risques sont bien définis, tels qu’une asymétrie topographique cornéenne, une cornée fine < 500 μ ou un lit résiduel stromal < 250 μ . L’existence d’un kératocône familial représente aussi un facteur aggravant.
Cependant des cas d’ectasies ont été observés sans aucun facteur de risque connu, et inversement certains patients à risque ont été traités par LASIK sans développer une ectasie…
DEFINITION
L’ectasie post-LASIK est un amincissement progressif avec bombement de la cornée dont l’évolution est similaire à celle d’un kératocône. Elle s’accompagne d’une baisse d’acuité visuelle souvent difficilement améliorable par une correction optique en raison de l’astigmatisme irrégulier induit par la déformation cornéenne. Il s’agit d’une complication très rare mais préoccupante dans le cadre d’une chirurgie réfractive.
INCIDENCE
L’incidence varie selon les auteurs. Elle va de 0,008 % à 0,66 %. Si l’on admet que plus de 17 millions de procédures LASIK ont été réalisées dans le monde, ces chiffres suggèrent qu'entre 5 100 à 112 200 yeux ont développé ou vont développer une ectasie post-LASIK. La littérature ne rapporte actuellement qu’environ 150 observations !
L’analyse de la littérature montre que plus de la moitié des cas rapportés d’ectasie postopératoire présentaient un tableau de FFKC (Forme Frustre du Kératocône) en préopératoire, beaucoup d’autres n’ayant pas de données préopératoires bien précisées ! A noter qu’au niveau européen, une enquête est actuellement menée afin de mieux connaître l’incidence et les facteurs influençant l’apparition des ectasies postopératoires.
CAUSES ET FACTEURS DE RISQUE
Deux mécanismes qui agissent ensemble peuvent expliquer l’apparition d’une ectasie postopératoire :
- affaiblissement biomécanique de la cornée (trop de tissu a été enlevé par la photoablation).
- décompensation d’un kératocône méconnu, ce qui semble être de loin le facteur déterminant.
Les facteurs de risque de développer une ectasie cornéenne sont les suivants :
_ Nerfs cornéens hypervisibles
_ Aspect topographique de kératocônes ou de formes frustes
_ Histoire familiale de kératocône
_ Kératocône au niveau de l’oeil adelphe
_ Cornée fine, asymétrique
_ Astigmatisme asymétrique
_ Cornée bombée asymétrique
_ Cassure de l’axe d’astigmatisme
_ Amincissement de la cornée
_ Irrégularités cornéennes qui ne peuvent être corrigées par des lunettes
SYMPTOMES ET SIGNES CLINIQUES
Après une chirurgie habituelle par LASIK, l’évolution est le plus souvent satisfaisante et le patient a un résultat fonctionnel correct. Dans certains rares cas, 6 à 9 mois plus tard le plus souvent, le patient peut présenter une baisse rapide de l’acuité visuelle sans et avec correction, avec perte progressive de l’effet obtenu par la chirurgie, un astigmatisme irrégulier évolutif apparaît. Le bilan topographique confirme cet astigmatisme irrégulier, avec bombement cornéen progressif, le plus souvent inférieur. Dans certains cas, cette évolution clinique et topographique a été confondue avec un traitement décentré et un nouveau traitement par laser a été réalisé : ce “re-traitement” aggrave l’évolution !
Les principaux signes sont :
_ Baisse de l’acuité visuelle
_ Modification de la réfraction
_ Augmentation de la myopie et de l’astigmatisme
_ Topographie cornéenne très évocatrice
_ Evolutivité des signes cliniques
Epaisseur stromale postérieure résiduelle
300 μ et plus : sécurité
250 μ : danger d’ectasie
< 250 μ : fort risque d’ectasie
TRAITEMENTS
Pour plus de détails sur les traitements qui sont similaires à ceux du kératocône, veuillez faire une recherche sur le forum. En cas d’apparition d’une ectasie post-LASIK, différentes options thérapeutiques peuvent être envisagées :
1. – Lentilles de contact souples, rigides perméables aux gaz, ou les lentilles sclérales
2. – Anneaux intracornéens
Le but des anneaux est de régulariser la topographie cornéenne afin de permettre une réadaptation en lentilles de
contact, et donc d’éviter ou de différer la nécessité d’une greffe de la cornée.
Deux types d’anneaux sont disponibles :
– les Intacs
– l’anneau de Ferrara ou Keraring
Ces anneaux sont implantés au 2/3 de l’épaisseur cornéenne, soit après une dissection manuelle des tunnels cornéens, soit après une dissection grâce au laser femtoseconde. 70 % des patients opérés ont une amélioration de l’acuité visuelle avec diminution de l’astigmatisme et de l’équivalent sphérique. Les résultats semblent meilleurs après dissection cornéenne par le laser femtoseconde.
3. – Irradiation ultraviolette
C’est une nouvelle approche thérapeutique en cours d’évaluation par l’équipe de T. Seiler à Zürich (IROC) et en Allemagne. Le but du traitement est de modifier l’élasticité de la cornée en changeant la polymérisation (cross-linking) des fibriles de collagène après exposition à une irradiation d’UV d’un collyre sensibilisant, la riboflavine, pendant 30 min. La riboflavine est utilisée pour augmenter le crosslinking du collagène stromal. Cette procédure est en cours également en France dans le service ophtalmologie du Pr François MALECAZE*.
4. – Kératoplasties lamellaires
La possibilité de conserver l’endothélium cornéen normal en cas de kératocône constitue un atout majeur de cette technique, cela permet de diminuer considérablement les risques de réactions immunitaires. Par le passé, les médiocres résultats de cette technique étaient liés aux phénomènes d’interface stroma-stroma entraînant haze ou opacité cicatricielle.
Le regain d’intérêt de la greffe lamellaire s’explique par le développement de nouvelles techniques permettant d’améliorer cet interface :
– découpe de la cornée à l’aide du microkératome et greffe d’une lamelle cornéenne d’épaisseur supérieure prélevée sur le donneur sur une chambre antérieure artificielle,
– dissection prédescémétique par la technique de la bulle d’air ou à l’aide de substances viscoélastiques. La technique n’est pas toujours facile et nécessite une période d’apprentissage qui peut s’accompagner de 5 à 30 % de perforations. La qualité de la vision dépend bien sûr de la qualité de l’interface stromal. Les résultats montrent un respect validé de l’endothélium cornéen.
5. – Kératoplasties perforantes
Le nombre d’ectasies cornéennes post-LASIK ayant nécessité une greffe de cornée n’est actuellement pas connu. Il
semble que le pronostic d’une telle greffe soit similaire à celui des greffes réalisées pour kératocônes, c’est-à-dire entraînant de bons résultats (greffons transparents dans 97 % des cas à 5 ans et 92 % à 10 ans).
La greffe de cornée perforante restait jusqu’à récemment le traitement chirurgical standard des ectasies cornéennes. Cependant, la réhabilitation visuelle est souvent lente et la densité cellulaire endothéliale postopératoire souvent basse après plusieurs années ; de plus, la complication la plus fréquente demeure l’astigmatisme postopératoire, puisque dans beaucoup de séries l’astigmatisme moyen est de l’ordre de 2.5 D
(± 2.5 D) : plus de 40 % des yeux doivent être rééquipés en lentilles de contact après la chirurgie. De plus, l’apparition d’un astigmatisme progressif, voire d’une vraie récurrence du kératocône peuvent venir altérer le résultat visuel 15 ans plus tard.
LA PREVENTION DES ECTASIES POST-LASIK
Le diagnostic des formes frustes des kératocônes (FFKC) représente un problème actuel essentiel, étant donné le risque de provoquer une décompensation cornéenne ectasique en cas de chirurgie réfractive cornéenne de type LASIK, voire une ablation de surface au laser Excimer.
La topographie constitue bien sûr l’élément majeur d’orientation, mais dans bien des cas ne permet pas de conclure. Les indices quantitatifs vidéotopographiques peuvent aider au diagnostic de FFKC dans certains cas, mais ne permettent pas toujours de conclure. L’analyse des aberrations optiques permettrait d’apporter des éléments complémentaires. L’arrêt du port de lentilles de contact pendant plusieurs jours ou semaines permet le plus souvent de mieux préciser les anomalies cornéennes suspectes.
La prévention des ectasies postopératoires repose sur le diagnostic des FFKC et sur le respect d’un lit stromal postérieur résiduel suffisant (250 μ) pour empêcher l’apparition d’une déstabilisation de la biomécanique de la cornée. La réalisation d’une pachymétrie peropératoire est recommandée afin de compenser les fluctuations de profondeur de la découpe du capot par le microkératome.
Les recommandations actuelles recommandent d’éviter de réaliser un LASIK si :
– la cornée a une épaisseur cornéenne centrale < 500 μ,
– le lit stromal résiduel, calculé en préopératoire ou après, de la mesure pachymétrique peropératoire, est inférieur à 250 μ; il faut donc se méfier du traitement des myopies fortes, et des reprises chirurgicales,
– le patient est porteur d’une anomalie cornéenne évoquant un FFKC,
– le patient a la notion d’un cas de kératocône dans sa famille.
CONCLUSION :
Les ectasies post-LASIK peuvent être isolées ou bien « combinées » à un kératocône non diagnostiqué.
Les examens préopératoires du LASIK sont de plus en plus précis afin d’éviter ces fâcheuses conséquences post-chirurgicales. Qu’il s’agisse de topographies cornéennes comme l’Orbscan ou bien d’analyses plus récentes mesurant l’élasticité de la cornée comme l’ORA* (Ocular Response Analyser), de nombreux kératocônes sont heureusement diagnostiqués à l’occasion d’une candidature au LASIK. Cependant, il n’existe aucune chirurgie sans risque et malgré toutes les compétences des médecins, dans de très rares cas, certains patients développeront ultérieurement un KC passé inaperçu à l’examen. Heureusement, les possibilités de traitements existent et évoluent chaque année. En attendant un éventuel test sanguin permettant d’affirmer avec certitude si un patient est porteur ou non du gène du kératocône, et si vous êtes vous-même atteint de kératocône, la prudence commandera d’alerter vos proches candidats au LASIK (ascendants et descendants) sur les risques possibles encourus.
V2F
SOURCES :
Pr Joseph COLIN (Service Ophtalmologie du CHU de Bordeaux)
Pr François MALECAZE (Service Ophtalmologie de Toulouse)
Réalités Ophtalmologiques (Juin 2006)
* L’ORA et le Cross-Linking sont présentés dans le Kératoscope N°7. Téléchargement dans le forum adhérents dès le lundi 31 août prochain et dans vos boites aux lettres
Sur les moyens récents de détection des formes frustres du KC (Orbscan, Pentacam, analyse du front d’onde,…) voici un document très technique mais néanmoins intéressant
(espace adhérents) :
http://www.v2f.org/membres/membres/main ... rustre.pdf
KC: Non / OG=9/10 OD=0,05/10 Corrigés--- Bonne MAVAC !... =^.^=